Restitution d'un arc triomphal géminé

Lorsque cette photo est prise, le chantier a débuté. L'entreprise a déjà réalisé la taille et la pose d'un pilier (au centre). Le tailloir est mis en œuvre, aussi...
Mais avant de continuer, il me faut donner quelques explications sur l'ouvrage existant.

Dans cet ancien Prieuré, une Chapelle présente une particularité toute singulière. Son abside est formée par deux absidioles. Cas certainement unique dans toute la région, il n'en reste pas moins que l'ouvrage a été outragé.
En effet, la bâtisse qui était à l'abandon (il n'y avait plus de toiture) avait servit un temps de bergerie et de paillé.
Pour une raison obscure, le pilier qui joignait les deux arcs en plein cintre a manqué (détruit par un sinistre ou démolit pour des travaux de modification). Une construction en pierre "tout venant" avait été édifiée pour supporter les deux arcs amputées.
Trois arcs de facture moindre supportaient depuis deux arcs incomplets dont l'existence devait remonter à l'époque Romane (voir le livre de R. Clément, Églises romanes oubliées du haut Vivarais).


Ainsi, le programme consiste à restituer le pilier avec son tailloir qui reprend la forme du cordon de la nef en quart de rond ; et le voussoirs composant les parties des arcs manquantes.
La pierre utilisée est une pierre froide de carrière : la pierre de Pompignan.

Revenons à notre première photo, en particulier à un endroit où toutes les forces se rencontrent. C'est là que l'équipe doit aborder le délicat travail de reprise des poussées des arcs entremêlés. Il faut démolir, étayer, construire tout à la fois, en sous-œuvre de surcroît.

Il faut voir dans le détail ci-dessus que la maçonnerie "intruse" a été retirée, pour dégarnir jusqu'aux voussoirs anciens afin de permettre la restitution des arcs appareillés. Ensuite, les compagnons ont percé l'arc du bas pour que ceux du dessus reprennent appui sur leurs sommiers. On remarque à ce propos que les sommiers "restitués" sont placés au fond et sur le tailloir.
Enfin, le travail d'étayage est assuré par des étais en éventail. L'opération suivante consiste en la démolition de la partie supérieure de l'arc central.

Voilà c'est fait. La jonction est faite... elle se matérialise par un double sommier que l'on appelle "mitre". L'objet placé devant n'est pas une bouteille (sourire), mais un maillet bol ou "cloche" en bois, c'est l'équivalent d'une massette que le compagnon se sert pour réaliser la taille des blocs.

Les voussoirs de même facture que les anciens prennent leur position rayonnante à l'aide d'un cintre partiel. Un long madrier rampant posé sur la plate forme de travail a servi à barder les lourdes pierres équarries.

L'ouvrage est terminé, la démolition peut s'effectuer, c'est un long travail à la pince et au marteau piqueur. L'absidiole ainsi libérée retrouve toute son émotion.

Le dégagement du deuxième arc triomphal est réalisé.

Les deux absidioles géminées retrouvent ainsi leur arc triomphal qui ici est constitué d'un doublé d'arcs plein cintre sur pilier ajouré.