Aujourd’hui, un penchant pour le matériau brut, franc de tout revêtement, tient une place importante dans les programmes de restauration. Il faut se rappeler, cependant, que le matériau pierre n’est simplement qu’un matériau de construction et que dans l’esprit des anciens, il n’y avait pas de rivalité entre la maçonnerie de pierres apparentes et la maçonnerie enduite. Lorsque la pierre était laissée visible, elle ne l’était pas pour répondre à une volonté de paraître, mais trahissait plutôt le caractère secondaire, la vocation agricole de certains bâtiments.
Donc, dans ce contexte, l’enduit à la chaux est presque toujours de circonstance. Il mobilise chez le maçon sa capacité à s’adapter aux choix particuliers du maître d’ouvrage, la démonstration de son tour de main et son savoir faire. Il nous donne à voir la dignité du commanditaire.
Origines :
On désigne par le mot « enduit » les couches successives de mortier nécessaire à l’ouvrage de revêtement pour garnir, protéger et embellir une surface. Ces couches, généralement aux nombres de trois se composent d’un gobetis, d’un corps d’enduit et d’une finition. Il faut remonter à l’antiquité pour trouver les origines de cet ouvrage qui présentait plusieurs couches pour former un enduit épais : comme en Campanie (en Italie) dès le IIIème siècle av. J.-C.
Les couches étaient nombreuses aussi : Vitruve en prescrivait pas moins de sept successives de trois qualités différentes pour composer de « bons enduits ». Pline n’en recommande que cinq. A vrai dire, les vestiges ne montrent qu’exceptionnellement ce type de traitement et dans leur quasi-généralité, les revêtements ne se composent que de trois couches.
Fonctions :
Les fonctions principales de l’enduit sont essentiellement la préservation contre l’humidité - donc la protection - et l’esthétisme qui traduit l’ostentation.
La fonction de protection contre l’humidité sous ses différents aspects (la capillarité, l’infiltration par gravité, le gel et les effets de condensation) est d’autant plus importante que les maçonneries sont hétérogènes, c’est-à-dire composées de matériaux différents. Les Italiens disent de cet ouvrage, l’enduit, qu’il est « à sacrifier » tant il est soumis aux intempéries, aux injures du temps.
Il n’est, d’ailleurs, pas rare de constater que sur l’ensemble des façades d’un bâtiment agricole (en Vidourlenque-Gard), seule la face Sud a reçu un enduit car celle-ci est exposée aux vents marins, aux pluies battantes.
L’esthétisme est servi par le rôle unificateur de l’enduit, par sa faculté de rectifier la planéité des supports, de « redresser » les surfaces et bien sûr par sa vocation décorative.
Étant le premier ouvrage visible de la construction, la valeur ajoutée de l’enduit en particulier la possibilité de corriger certains « défauts » et de cacher la modestie des matériaux utilisés n’échappe pas au maître d’ouvrage qui va pouvoir ici afficher son ambition.
C’est ainsi qu’une maison d’habitation se pare d’un enduit, plus encore une maison de maître, une « maison de commande ». Il n’est pas question de faire valoir la « vulgarité » du matériau mis en œuvre sauf peut-être celui qui vient d’une carrière et qui a été finement taillé, sculpté pour entrer dans la composition d’un encadrement ou d’un ornement.
Les documents photographiques (1,2 et 3) montrent une façade et des détails d’une maison de caractère dans le centre du hameau de Liouc. Ils mettent bien en évidence le rôle démonstratif de cet enduit. Bien que vieillissant et partiellement dégradé, ce dernier permet encore de conserver à l’édifice ses caractéristiques idéales.
En effet, il met bien en valeur l’ordonnancement de la façade et la qualité des appareils des encadrements.
La plus grande partie de ce bâtiment a reçu un enduit lissé, serré, c’est une finition raffinée avec des propriétés de dureté, de brillance. Il faut imaginer que cet enduit était badigeonné car c’est souvent le cas. Néanmoins, la beauté de celui-ci réside dans la couleur naturelle de ses agrégats, en l’occurrence un sable local. Une deuxième partie bien que rattachée a reçu un enduit grenu, « jeté ». Cette finition, sauf si elle est le fruit d'une campagne de travaux distincte, traduit une volonté d’animer le parement, de le faire vibrer. Elle est souvent interprétée comme sommaire et uniquement rurale bien que systématique dans le milieu du XVIIIème siècle. La subsistance d’une fenêtre fenière (donnant dans le pailler et permettant le montage du foin) à l’étage supérieur veut-elle nous confirmer cette évocation.
Composition :
Les enduits se composent généralement de sables de granulométries différentes et décroissantes en fonction des couches successives, et d’un liant : la chaux plus ou moins aérienne dont la quantité par rapport au sable est dégressive suivant la nature des couches. Des ocres peuvent être ajoutées pour colorer la couche de finition dans la masse mais la plupart du temps, on se suffisait de la coloration naturelle de l’agrégat, à moins de retrouver de la couleur dans l’application d’un badigeon pigmenté.
L’eau de gâchage intervient dans la composition afin d’amalgamer et plastifier les éléments pour former un mortier plus ou moins souple. Elle s’évapore ensuite et participe à l’échange gazeux nécessaire à la prise, c’est la prise « aérienne ».
Retenons que les enduits à la chaux naturelle sont particulièrement recommandés pour les maçonneries anciennes car ils ont une bonne perméabilité à la vapeur d’eau : ils permettent la « respiration » de la maison. Ils participent, en effet, au confort intérieur en laissant « respirer » les murs qui renferment un taux important d’humidité. Cette humidité provient des fondations (ascension capillaire), de l’infiltration accidentelle éventuellement, de l’eau de condensation et de la vapeur d’eau émise par les habitants eux-mêmes. On comprend mieux pourquoi il est toujours dommageable d’enduire ou rejointoyer ses murs en pierre et chaux avec un mortier de ciment ou une chaux artificielle. Ne parlons pas de la saveur visuelle qui en pâti car un mortier de ciment ne patine ni ne vieilli, il se salit.